Rencontre avec Marsil, « J’ai toujours eu cette sensation d’avoir le c*** entre deux chaises…..»

Rencontre avec Marsil, « J’ai toujours eu cette sensation d’avoir le c*** entre deux chaises…..»

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Rencontre avec notre pépite du mois de Mai, Marsil. Marsil est un artiste rnb singulier très prometteur de la musique moderne française. Le chanteur vient de sortir son dernier titre, « COLOR », un titre rnb porteur d’un message positif pour tous ceux qui se sentent oubliés. Interview fluide avec l’artiste sur l’état d’esprit à l’origine de ce beau titre.

 

Qui est Marsil ?

J’aurais tendance à dire que Marsil est un musicien influencé essentiellement par la musique classique et qui fait de la musique urbaine mélancolique. J’ai déjà sorti un EP qui était plus dans la variété, plusieurs singles qui sont plutôt dans un style pop électro urbain et je suis en train de préparer un nouvel EP qui est vraiment dans un nouvel univers qui correspond aux dernières sorties : de l’urbain, sombre et poétique. Quand je me présente je dis toujours que j’aime bien chanter les mélancolies urbaines quand je me promène la nuit mais pour comprendre cela il faudra voir le prochain clip [Rires].

Avant d’être chanteur, tu es un très bon pianiste et donc polyvalent, quel est ton process de création ?

J’ai vraiment deux manières différentes de travailler. La première est spontanée, partir de rien et en général ça vient de mon état d’esprit. Il faut savoir que j’écoutes différents types de musiques, de la musique ancienne genre Stevie Wonder, Michel Berger, Gainsbourg, Jean-Jacques Goldman, Whitney Houston, Michael Jackson, R Kelly. J’écoute des musiques vraiment à l’ancienne parce que je trouve que dans les musiques des années 80 90 2000 il y avait un côté beaucoup plus mélodieux contrairement à aujourd’hui où on est vraiment dans de la construction d’instrus, un délire un peu plus rapide avec des effets de voix et tout. Je trouve que la jeune génération est beaucoup plus dans le kick que dans la mélodie au niveau de la musique. Dans mon process alors, soit je pars de zéro, dans ce cas-là je fais ça vraiment de A à Z. En général je commence par le piano ensuite je mets ça sur ordinateur et je rajoute des instruments au fur et à mesure. Parfois j’ai des idées totalement folles, ça m’arrive souvent marcher dans la rue et d’entendre un rythme ou un bruit qui m’inspire par exemple je suis inspiré quand j’entends souvent passer les trams ou les trains. En te basant sur le rythme et les sonorités qu’il y a autour tu trouves déjà des mélodies et des idées, ça m’est arrivé plusieurs fois donc c’est ma première méthode. La deuxième méthode c’est de travailler à partir de samples et ça c’est quelque chose qui est assez récent pour moi, cela provient des influences d’icônes comme Kanye West, Kendrick Lamar, The Weeknd. C’est quelque chose qui m’inspire dans la nouvelle génération parce que je trouve que c’est de la recherche musicale. Dans ce cas de figures, mon objectif est de trouver des sons nouveaux ou des sons qui soient modernes. J’essaye de trouver un équilibre entre mon côté vraiment à l’ancienne et ce côté beaucoup plus moderne. Cette deuxième méthode je l’appellerai aussi avant-gardiste parce que l’idée c’est vraiment de trouver de nouvelles sonorités qu’on va se plaire à écouter et ça peut être des voix déformées, des cœurs, des instruments redesignés, le fait de retravailler des batteries,  le fait de faire du « sound design » avec des sons de nulle part. J’ai une troisième méthode de créer,  je compose beaucoup dans mon sommeil, ça peut avoir l’air « chelou » mais je fais partie des gens qui pensent vraiment que l’inspiration arrive au moment où on est très détendu. J’ai eu souvent des idées de mélodies ou de chansons souvent avant de dormir et quand je me réveille en général j’ai la chanson, pas forcément entière mais j’ai au moins les mélodies et les accords. Avant de les oublier au réveil, je les mets assez vite au piano et je les enregistre vite parce que les rêves ça part assez rapidement. [Rires]

Tu t’inspires de quels artistes en particulier ?

La plupart des artistes qui m’intéressent et qui m’ont inspiré ce sont plutôt des artistes pianistes comme Alicia Keys, Ray Charles, Stevie Wonder. Je m’identifiais vraiment à ça au départ et surtout aux sonorités à l’ancienne. Je trouvais que le fait d’être au piano avait une aura très particulière, c’est vraiment un univers particulier le fait d’être pianiste et chanteur. Je me suis identifié surtout à la soul parce que j’ai un côté très musique classique. J’ai découvert assez tard la musique plus urbaine et actuelle avec des influences comme Kanye West, Kendrick Lamar, The Weeknd. Ce sont des artistes que je n’essaie pas de copier mais je me reconnais dans leur démarche artistique. La démarche peut être soit de s’amener avec un matériel brut ou un délire très pop et chercher à l’aborder différemment de ce que les autres proposent.  Généralement ma manière est de rajouter beaucoup plus de mélodies, d’adoucir, de mettre du lyrisme dedans, de mettre des tableaux, des couleurs, des réflexions sur de l’identité noire dans le monde occidental. Ces artistes comme Kanye West et autres m’inspirent aussi au niveau de l’esthétique parce que je suis constamment en quête de renouvellement de mon image. Je cherche à faire des choses qui soient visuellement marquantes, on n’est plus uniquement sur de la musique mais aussi sur l’art vu de façon globale et je pense que c’est une bonne manière de l’appréhender.

Ton dernier titre « COLOR » est un air rnb moderne avec un refrain frappant, et des couplets aux couleurs sombres et urbaines. Comment as-tu conçu ce titre ? (Process de création). Qu’est-ce qui t’a poussé à l’écrire ?

De façon basique cette chanson là je l’ai eu dans mon sommeil. Cette inspiration part d’une histoire banale d’un gars vivant à Saint-Denis qui fréquente des prostituées parce qu’il avait besoin de s’anesthésier des maux de la vie. L’une d’elles tombe amoureuse de lui et ils vont vivre tous deux une relation à la fois toxique et bénéfique : la prostituée essaie de le guérir des maux dont il souffre tandis que lui essaie de la sortir de la prostitution, ceci m’a frappé et cette relation démontrait d’une certaine résilience qui m’a inspiré d’écrire ce morceau.

Un second élément qui a concouru à ce titre : je venais de présenter une chanson à un producteur. Il faut savoir que dans la musique il y a toujours ce genre de personnes gens qui vont dire que ce que tu fais est bien et puis il y a des gens qui vont vouloir te pousser à t’améliorer, malheureusement il y a ces personnes-là qui te font des remarques sur ta musique qui ne sont pas pour autant fondées.

Donc ce producteur avait eu des mots très sympas mais globalement il cherchait à me dire que j’étais un débutant et que je ne faisais que commencer dans le métier.  J’étais quand même déjà à un certain niveau de maturité dans ma musique et quand il l’a dit, j’ai revécu les 15 ans de parcours déjà effectués et ça m’a foutu juste la rage et ce soir je me suis couchée dans cet état d’esprit. Je me suis réveillé avec le refrain du morceau dans ma tête [il fredonne le titre], je me suis dit dans ce morceau je ne parlerai pas forcément de moi mais d’une manière plus générale. Une fois que j’ai eu la mélodie, je suis partie sur la musique. Dans le process d’écriture, j’ai commencé à me rendre compte qu’il fallait que je parle de choses très collectives parce que je pense qu’on a tous dans notre vécu des moments de résilience, des moments dans lesquels on affronte une souffrance que ce soit la pauvreté, le chômage, le rejet, la discrimination ou autres. On a vu des gens qui ont réussi à dépasser ces mêmes choses c’est cela qui m’intéresse au-delà.

 

 

Au-delà du discours politique, c’est un appel à la résilience et un message d’espoir pour ceux qui se sentent oubliés. Tu as dit notamment au sujet de ce titre : « Je voulais au départ parler de la résilience. Des gens qui ont affronté la douleur, la pauvreté, le racisme, la violence, et qui les ont dépassés pour devenir des gens lumineux et inspirants. Au fur et à mesure de mes recherches j’ai trouvé une métaphore visuelle très forte : la présence des Noirs dans le monde occidental. Lorsqu’on regarde le clip, l’aspect universel de ce sujet est très fort. « 

Comment expliques-tu cette métaphore visuelle dont tu parles ?

Dans la plupart de mes chansons, j’utilise toujours la métaphore du couple pour parler d’autre chose. Par exemple dans le clip « Changer » je voulais parler de l’après-confinement, de la colère de la société mais je l’ai raconté comme un couple qui se sépare alors qu’en fait je parlais d’une idée plus large. Je préfère faire cela pour éviter de prendre une étiquette politique mais je pense que les gens qui écoutent mes chansons perçoivent qu’il y a des doubles-sens.

Qu’est-ce qui se passe au niveau de l’identité des noirs en fait en France ?  D’une façon générale il y a un discours occidental envers l’Afrique qui est un peu condescendant quand même depuis un certain temps. Malheureusement du côté africain, il y a aussi un discours de victimisation. J’ai toujours eu cette sensation d’avoir le c*** entre deux chaises c’est à dire de faire partie de la diaspora et d’avoir cette sensation que nous les noirs on a été formatés. Concrètement ma génération qui est des années 80 90, a grandi avec l’idée qu’il fallait qu’elle fasse plus et cette idée-là elle est très bien reprise par des gens comme Frantz Fanon ou Aimé Césaire. C’est ce qu’on désigne par l’aliénation et le complexe d’infériorité qu’on nous a inculqué depuis des siècles. Toutefois cet état d’esprit existe parce qu’une grande partie des noirs ont malgré eux intégré cette idée émise par l’Occident. Aujourd’hui comment dépasser cela ? Je crois que c’est en retrouvant la part de nous-même qui est complètement humaine c’est-à-dire imposer le fait que notre histoire ne se résume pas à l’esclavage. En se restreignant au discours de l’esclavage pour nous les noirs, l’erreur est qu’on s’empêche d’être dans la résilience. Notre travail à nous c’est de retrouver l’humanité qu’on nous a enlevé et de nous ancrer dans cette résilience.

 Au-delà de ce titre, penses-tu travailler sur des musiques qui iront plus dans le sens de ce message ?

Je crois que beaucoup d’artistes contrairement à une idée reçue qui fait qu’aujourd’hui qu’ils soient considérés comme dans un style commercial, n’osent plus dire certaines vérités dans leurs textes. Contrairement moi j’ai plutôt l’impression que j’ai de plus en plus envie de m’exprimer et que je crois que les artistes doivent bousculer un peu les pensées. J’ai beaucoup de chansons qui parlent de l’identité noire et de la place des noirs en Occident, c’est un sujet sur lequel j’ai énormément de choses à dire. En tant qu’artistes, on ne fait pas de la politique parcontre il faut bousculer les idées et j’ai écrit plein de chansons sur ce thème. Il y en a une qui s’appelle « 100 couleurs » qui parle du fait d’être sans couleur c’est à dire avoir plusieurs couleurs raciales, provenir d’un mélange de cultures et en même temps être sans couleur c’est à dire le fait de se voir quand un humain avant de se voir comme un noir. Mon prochain EP va s’appeler « Au clair de lune, les peaux noires sont bleues » et il va traiter de tous ces sujets-là.  Il va sortir certainement avant 2023 et le titre « COLOR » est un premier extrait de ce projet.  Ce sera un EP urbain avec des sonorités très mélancoliques et un mix de pièces de théâtre. Ce sera l’histoire d’un jeune noir qui a grandi dans des quartiers difficiles et qui essaye de s’en sortir mais qui est constamment ramené à sa couleur de peau. Tout au long des titres de ce projet, on pourra suivre son évolution avec cette fameuse phrase que je me pose toujours « Est-ce que je dois être solidaire ou solitaire ? ».  

 

 

 

 

 

 

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Jude Badombena

Un féru de la finance, qui passe ses temps libres à gratter des articles et explorer le fameux trésor caché du digital...

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