Notre rencontre avec Harrÿ, “Au final, rien n’a de sens, si ce n’est la musique’’

Notre rencontre avec Harrÿ, “Au final, rien n’a de sens, si ce n’est la musique’’

Entre textes poétiques et fragilité assumée, Harrÿ développe  un univers novateur  autour de la relation, du vide, de la disparition, et de la douce fragilité des êtres. Notre équipe découvre et rencontre Harrÿ à l’Espace Julien de Marseille à l’occasion de la finale nationale Buzz Booster, c’est un rappeur différent, mais accrocheur. Échange fluide avec l’artiste.

Comment as-tu pris goût à l’univers du rap ?

J’avais des copains qui rappaient au lycée, et naturellement, je me suis mis enfin avec eux. Au début, c’était juste pour s’amuser : on avait commencé par de petits textes écrits en cours. Après, quand je suis arrivé aux Beaux-Arts en première année, j’ai rencontré un copain qui rappait, mais lui, il le faisait directement dans son appartement où il s’enregistrait. C’est de là que j’ai découvert toute la partie immergée de l’iceberg de la musique. Je n’avais pas conscience qu’on pouvait aller aussi loin dans un studio, musicalement, dans l’approfondissement de la voix, des technicités, etc. Dans la même période, j’ai écouté un artiste qui s’appelle Sean. Ce dernier m’a directement mis une énorme claque ; et de là est née une passion pour la musique.

 

« Je n’avais pas conscience qu’on pouvait aller aussi loin dans un studio, musicalement, dans l’approfondissement de la voix, des technicités… »

Ta musique aborde des thèmes comme le vide, la disparition ou la fragilité humaine. Pourquoi ce besoin d’interroger ces zones sensibles de l’existence ?

Eh bien, la question prend tout son sens maintenant que je sais que ce sont des sujets qui sont récurrents dans mon travail après observation. Ce sont des thématiques que j’avais l’habitude d’aborder aux Beaux-Arts à l’époque, et que j’ai gardées dans ma musique même après. Elles me servent d’axe principal. C’est un repère, et une fois encore, c’est plus une manière de conscientiser mon travail que de les retravailler et de les requestionner sans cesse. Je suis quelqu’un qui remet énormément en question les choses au quotidien. En gros, cela me sert de repère dans cette posture musicalement.

Tu es à la croisée des genres : entre pop, influences nord-africaines et héritage des rave parties. Comment construis-tu cette belle identité musicale hybride ?

Je dirais que je ne me prends pas au sérieux. Pour moi, c’est le meilleur moyen de se désinhiber, ramener quelque chose de différent, de sortir de sa zone de confort, et de mettre en lumière des choses qu’on n’assumerait pas en temps normal. Après, on professionnalise le propos. 

Sinon, en termes d’influence, depuis tout petit, j’ai énormément été influencé par le top des 17 et toute la culture pop. Par la suite, je me suis lancé dans le rap à fond, et cela a fait que j’ai pu mélanger et brider tous les deux terrains en même temps.

« C’est le meilleur moyen de se désinhiber, ramener quelque chose de différent, de sortir de sa zone de confort… »

As-tu des références qui t’ont influencé dans l’élaboration de cet univers ?

Il y a Sean que j’ai cité beaucoup plus haut, Jimmy Rockway, Camille Yembe, Tangana, artiste espagnol. En dehors de ces influences, j’ai aussi été inspiré par Zamdane, Tif et Danyl Boko.

Ta voix mêle pudeur masculine et fragilité assumée. Dans le monde du rap caractérisé par une forte concurrence, comment exprimes-tu cette vulnérabilité ?

Pour moi, c’est hyper intéressant de mettre en lumière les faiblesses et les failles chez l’être humain. Je trouve ça magnifique puisqu’on a plus tendance à les renier, en avoir honte. Moi, je trouve ça magnifique.

Je questionne la crédibilité et la masculinité aussi dans ma musique parce que je trouve qu’on a tous une part de masculinité et de féminité en nous, et on laisse parler celle qui nous plaît le plus ou celle qui prend le plus de place. Pour ma part, c’est la féminité, et je trouve intéressant les contrastes. Par exemple, je prends des positions hyper masculines, et puis au final, avec un propos hyper féminin ou inversement. Je peux prendre des positions avec mes mains, les jambes un peu maniérées, et avoir un propos très viril, très masculin dans la voix. 

« Je questionne la crédibilité et la masculinité aussi dans ma musique parce que je trouve qu’on a tous une part de masculinité et de féminité en nous, et on laisse parler celle qui nous plaît le plus ou celle qui prend le plus de place. »

 

Tu affûtes tes capacités scéniques de ta sélection comme représentant de la Bretagne pour Buzz Booster 2025 à la finale nationale à Marseille. Qu’as-tu cherché à partager avec le public ?

Ce que j’ai cherché à partager avant tout pour moi, de l’amour, c’est “donner”. Donner tout ce que j’ai, chercher à être compris et à être rassuré aussi. À être rassuré puisque mon travail me rassure. 

Alors, quand je le présente tel quel sur scène, j’attends en retour d’être rassuré. De manière tangible, cela se traduit tant par le regard du public que par la compréhension justement. J’aime être compris ; et c’était pour moi, ma plus belle attente.

« Mon travail me rassure. »

Qu’as-tu gardé de l’expérience Buzz Booster ?

Une expérience incroyable. 5 mois de travail. On apprend beaucoup sur soi, sur les autres, sur le fait de déléguer des tâches. Hyper intenses, hyper riches, comme moments. Hyper précieux aussi. 

Pourquoi ? Eh bien, parce que notre place est précieuse dans la compétition. Et puis, plus on avance dans la compèt, plus on se qualifie, plus on « prend de la valeur », et plus on apprend aussi à se rencontrer dans des moments inouïs avec nos équipes. Ce qu’on n’a pas l’habitude de partager en temps normal, du coup ça crée des souvenirs inchangeables. À la fin, ce sont des souvenirs qui n’ont pas de valeur.

Professionnellement parlant, avec une telle expérience, on gagne pleins de conseils. Par exemple, j’ai fait une résidence avec un coach scénique, que j’ai gagnée à la suite de ma victoire pour la  Bretagne. De là, j’ai pu apprendre pas mal de technicité autour du métier de la scène.

« À la fin, ce sont des souvenirs qui n’ont pas de valeur (Une valeur inestimable). »

Que peux-tu nous dire sur l’après Buzz Booster ? Ton projet « Calamar dans l’bide » marquera-t-il une nouvelle étape ?

  “Calamar dans l’bide” a été produit avant l’expérience Buzz Booster. Mais, on est parti dans l’optique de le présenter et non pas de le défendre dans la compétition. Aujourd’hui, je pense qu’il sert plus de signature par rapport à tout ça, de mot de fin. Et puis, évidemment, il m’invite à un renouvellement aussi. Donc, “Calamar dans l’bide” invite à un accouchement, à une naissance, à quelque chose de nouveau, quelque chose qu’on ne digère pas en fait. Et petit clin d’œil au fait d’avoir perdu peut-être. 

Je ne digère pas cette défaite. Mais, tant mieux. Des fois, j’ai envie même de dire que je suis content d’avoir perdu parce que grâce à ça, je pourrais aller encore plus loin et me dépasser.

“Calamar dans l’bide invite à un accouchement, à une naissance, à quelque chose de nouveau, quelque chose qu’on ne digère pas en fait. »

 

D’où te viens cette belle métaphore  ?  

« Calamar dans l’bide », je l’ai imaginée comme que tout ce qu’on ne dit pas dans la vie de manière générale. Donc, je l’ai beaucoup aimée, la métaphore “Calamar dans l’aide”. Un truc impossible à digérer et qui reste accroché. Tentaculaire ! Je fais beaucoup de métaphores. Je compare beaucoup les humains aux animaux. Du coup, je trouvais intéressant de ramener un monde animal dans le titre, plus une métaphore sur la digestion et le champ lexical du corps, toujours en rapport au fait d’avaler ou de vomir quelque chose. 

« Un truc impossible à digérer et qui reste accroché. Tentaculaire ! »

Nous accrochons sur des titres de ce projet comme « Regarde-moi » ou « Crèves », avec une proposition musicale forte sur des productions de haut niveau. Quelles sont tes ambitions avec ce projet et la suite de ta carrière ?

Comme le titre l’indique, à travers “Regarde-moi” par exemple, j’espère avoir un petit peu de visibilité, être compris, peut-être rassuré par moment et puis pouvoir échanger sur mon travail parce que je le remets en question tous les jours. 

Mais, j’aime bien le faire aussi avec les autres. Du coup, être dans le dialogue, au contact de plusieurs personnes. J’aimerais aussi raconter les choses autrement qu’en musique, même des fois, visuellement : donc, continuer davantage à faire des clips, des vidéos, des réels sur Instagram, avoir un maximum de concerts. Je pense me spécialiser le plus possible sur la scène, plus qu’en studio. Comme je l’ai dit précédemment, pour pouvoir raconter les choses avec le corps, avec le regard aussi.

Je préfère 1000 fois la scène au studio parce qu’on est un peu limité en termes d’expression dans un studio. Je trouve qu’il y a la lecture du corps et du regard qu’on n’a pas en studio, mais seulement sur scène. C’est hyper important dans le sens où un tel cadre permet de raconter encore plus grand les choses. 

Aujourd’hui, cet EP est important pour moi parce que c’est une manière pour moi de me présenter. J’essaie de me rapprocher le plus possible de moi-même avec ce projet. Et j’ai plutôt bien réussi la recette, du coup, je suis très content. C’est un projet qui a voyagé de Paris jusqu’à Marseille avec Buzz Booster, qui a fait plutôt bonne impression et qui m’a permis d’aller rencontrer des gens humainement et musicalement. 

Au final, rien n’a de sens, si ce n’est la musique. Donc, j’aimerais pouvoir en vivre. Et j’aimerais pouvoir raconter à plus de personnes possible ma musique sur tous les continents.

« C’est un projet qui a voyagé de Paris jusqu’à Marseille avec Buzz Booster, qui a fait plutôt bonne impression et qui m’a permis d’aller rencontrer des gens humainement et musicalement. « 

 

Ambro Ola

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