« La Nuit des Rois », le magnifique huis clos carcéral et théâtral de Phillipe Lacôte

« La Nuit des Rois », le magnifique huis clos carcéral et théâtral de Phillipe Lacôte

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Ce soir, direction Abidjan, en Afrique de l’ouest où le réalisateur franco-ivoirien Phillipe Lacôte nous emmène au cœur de son dernier film, « La Nuit des Rois », une co-production ivoirienne, française, sénégalaise et québécoise, un long métrage très attendu cette année. Ce magnifique huis clos carcéral mêlant théâtre et danses réunit tous les ingrédients pour séduire notre rédaction.

 

 

« La Nuit des Rois » est un film envoûtant qui peint l’aspect social et politique de la Côte d’ivoire à travers l’histoire d’un jeune détenu confronté aux luttes de pouvoir au cœur de la « MACA », la maison d’arrêt la plus redoutée de la Côte d’ivoire. Cette prison plutôt surpeuplée a la particularité de se conformer aux règles créées par ses propres détenus. Le rituel du « Roman » est une vieille tradition ressortie par Barbe Noire, vieux caïd, le « Dangôro », autrement dit le « roi de la prison ». Cette pratique consistait à ce qu’un détenu de la prison raconte des histoires aux autres prisonniers à chaque nuit de la « Lune Rouge ». Bakari Koné, dans le rôle de Roman, acteur principal a le mérite de faire passer le spectateur à travers d’innombrables émotions. Arrivé naïf et apeuré, Roman va progressivement se métamorphoser au sein de la prison. Lorsque Barbe Noire le chef de la prison (interprété par l’acteur français Steven Tientcheu) va sentir sa place menacée, il met tous ses espoirs sur son nouveau « Roman » qui devra supporter toute cette pression. Au fil des mots, Roman réussit à embarquer son auditoire pour un voyage rythmé de récits dramatiques, magiques et intenses qui ramènent à une certaine époque de la Côte d’ivoire.

 

 

L’histoire racontée par Roman tourne principalement autour du vécu de Zama King, un chef de gang très cruel qui a terrorisé la ville d’Abidjan pendant 2 ans avec les « microbes » (le surnom attribué aux membres de son gang). Zama a été lynché et brûlé en 2015 par la population pour tous ses crimes. Le spectateur est plutôt secoué par le passage brusque d’une atmosphère plutôt fraternelle créée par les prisonniers de la MACA vers un climat de violence et de rébellion créé par Zama dans le récit de Roman. Un virage brusque qui dépeint le caractère socio-culturel et politique de la société ivoirienne. Zama King a été un fruit de la crise post-électorale. Après l’arrestation de Laurent Gbagbo, ex-président de la Côte d’ivoire, Zama King est devenu le « bon petit » des rebelles qui ont fait fureur pendant de longues années en Côte d’ivoire. Zama King a joué un rôle vraiment non négligeable dans la suite de la crise.

 

 

Réalités sociales et politiques, combat mystique et fantastique

Zama King a réellement existé, son histoire est donc narré à l’image d’anciennes légendes d’Afrique qui peuvent paraître utopiques mais leurs bases se rattachent généralement à des faits réels. Cette étape de la narration de Roman a non seulement permis d’apaiser le climat de violence et de terreur pour laisser place à croyances, scènes fantastiques, pratiques mystiques de l’Afrique. C’est le moment qu’a choisi la célèbre artiste ivoirienne, influenceuse Laetitia Ky pour faire irruption dans le film à travers l’interprétation du rôle de la Reine. Au cœur d’un combat mystique avec son jeune frère, la Reine va amener le film à un autre niveau, là où beauté traditionnelle de l’Afrique se mêle à fiction, magie et bataille mentale.

 

 

Le charme des célébrations, danses et jeu de rôle théâtral 

Lorsqu’on suit le film « la Nuit des Rois », on prends réellement plaisir à regarder  un récit intense incarné par ses prisonniers. On se peut se sentir facilement accroché par le caractère spontané, cru et authentique de ceux-ci, les accents prononcés, la bonne organisation de la prison contrasté avec son ambiance pesante. L’histoire livre des détails sur les quartiers difficiles d’Abidjan en projetant des années en arrière. On se laisse facilement immerger dans une belle scène théâtrale dans laquelle les prisonniers dansent et se livrent à des interprétations scéniques au rythme de l’histoire de Roman. Le spectateur est aspiré dans une communion des danses culturelles africaines.

Comment le pouvoir des mots peut faire reculer la violence

Nous sommes particulièrement touché par  l’aspect poétique et théâtral de cette expérience au sein de la MACA d’Abidjan qui est  bien loin de la violence carcérale. C’est plutôt une expérience entre théâtre et danses qui a su nous transporter dans un univers mystique et fantastique. L’intensité de l’ambiance est liée à la menace qui plane sur « Roman », au rythme du film, on découvre comment le jeune détenu réussit à dompter ses bourreaux au fil des mots. Comme quoi, les mots, des arts comme poésies ou danses peuvent être libérateurs de la violence et de la méchanceté de l’homme. Lorsque Roman termine son histoire, on découvre comment le chaos peut se réinstaller très facilement à travers la bagarre générale. Ce chef d’œuvre du cinéma ivoirien est plutôt aboutie : le casting plutôt riche composé de jeunes comédiens au talent brut (à l’image de Bakari Koné dans le rôle principal) et d’autres acteurs confirmés comme Steve Tientcheu prouve le réel travail abattu autour de ce long métrage. « La Nuit des Rois » sort ce 8 septembre, il est disponible dans toutes les salles de cinéma de France, on vous le recommande à tout prix si vous êtes adeptes d’expériences cinématographiques dramatiques, culturelles et fantastiques.

 

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Jude Badombena

Un féru de la finance, qui passe ses temps libres à gratter des articles et explorer le fameux trésor caché du digital...

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