Notre chronique, Polaroid Expérience de Youssoupha, « Je suis l’ennemi de la France-afrique et de ses millions, suis l’ennemi de leur modèle, suis l’ennemi de leur morale… »

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La rédaction de Conscienxious a fait un spécial Retro avec une revue du projet « Polaroïd Experience » du lyriciste bantou. Youssoupha, à travers ce 12 titres « Polaroïd Experience », offrait un 5e album dans le mois de septembre 2018, 3 ans après « NGRTD ». Le rappeur de 39 ans revient à son essence musicale avec un regard objectif jeté sur l’ensemble de sa carrière, ses relations avec ses proches et son point de vue sur les codes de la société actuelle.


Un message d’amour pour ses proches, un message de paix et de sérénité, c’est ce que veut transmettre Youssoupha avec « Polaroïd Experience ». A travers le terme « Polaroïd », l’artiste relate les faits marquants de sa vie, en étant le plus possible transparent dans sa manière d’être et de vivre sa carrière. Entre beats modernes et traditionnelles, le lyriciste bantou sert une écriture de qualité marquée d’émotions et de maturité. Il n’a rien perdu avec les années, son style se veut être plus proche de son public. « Ceci n’est pas un disque, c’est une putain d’expérience », Youssoupha emmène surtout son auditoire dans un voyage à la découverte de lui-même. Sur cette galette, il est à cœur ouvert, il se confie, il lâche beaucoup d’éléments sur son vécu. « J’étais un fils unique, mais j’ai de l’amour fois mille, tous ces éléments du public sont aussi de ma famille ». On peut apprendre que le rappeur était un fils unique, sur le disque, il va de révélations en révélations. La cover de l’album représentant une photo de famille, illustre l’univers dans lequel il a grandi où les liens familiaux sont très solides.

 

A Kinshasa comme dans d’autres capitales africaines, être frère, ne signifie pas forcément être né d’un même père et d’une même mère. Le morceau illustre cette proximité qui existe dans les grandes familles africaines. Le titre est sans filtre, Il se découvre, il évoque la composition de sa petite famille, « J’ai eu un fils avant ma fille, ça c’est le choix du roi, j’ai eu un fils avant mon disque, ça c’est le choix du rap ». Sur ce beat saccadé, il se montre vrai, il montre sa vulnérabilité en tant que papa très souvent inquiet des lendemains, le cœur ouvert sur ses peurs, ses faiblesses, ses amours, ses amitiés, le père qu’il n’a jamais vu et cette mère avec laquelle il a grandi.

Moins révolutionnaire que ses précédents, le disque annonce l’éminence de la retraite de l’emcee, qui se met en retrait en présentant Tito Prince comme le meilleur rappeur capable de prendre sa relève. « Puisque c’est le dernier disque, le micro est plus visqueux, Polaroïd Expérience, on multiplie les risques », il met tous ses sentiments sur la table, il lâche ses vérités crues, ses opinions personnelles : « Suis l’ennemi de Valls, suis l’ennemi de Macron, suis l’ennemi de Marion, suis l’ennemi de la république de François Fillon, suis l’ennemi de la France-afrique et de ses millions, suis l’ennemi de leur modèle, suis l’ennemi de leur morale. »

Regardez le clip de « Polaroïd Expérience » 

De freestyle comme « Cassette » à morceau complètement abouti comme « Devenir vieux », Youss se plaît à rapper sur tous les formats. Le projet est surtout lié à sa nostalgie, les souvenirs, sa prise d’âge. Quand il dit « J’ai de la nostalgie dans les yeux mais j’ai pas peur de devenir vieux. », il fait référence à l’effet des années, comment il prend sa prise d’âge de manière lucide et sage. Des punchlines comme « Le temps ouvrent ces fenêtres, mais referment quelques portes, tant pis pour ses rancœurs, le temps passe avec ses codes » ou « mon cœur ceinturé de dynamites, le temps impose sa tyrannie, ouvre bien les yeux, on fera pas long feu comme les pyramides. » résume ses états d’âme. Retour sur ses folies de jeunesse, les business de l’époque, le rap et les potes, c’est d’un œil très nostalgique et d’un cœur presque meurtri qu’il revient sur son passé de Kinshasa à Cergy. C’est l’occasion de passer un message à son frère ou à ses amis partis très tôt.  « Avant je cachais toutes mes inquiétudes à mes parents et maintenant rien ne change, je cache mes inquiétudes à mes enfants », comme quoi le temps n’a pas changé sa nature. En écoutant « M’en aller », on comprend bien que Youssoupha s’est efforcé de mettre un fil directeur entre chaque titre. « Avoir de l’argent » est un titre qui vient à point nommé mettre l’accent sur une chose à faire avant de s’en aller : se réaliser et s’enrichir. Sur un excellent refrain, il parle de rêve des jeunes de s’en sortir, de quitter le ghetto, faire fortune en se positionnant lui-même vis-à-vis de cette question « réaliser ses projets les plus téméraires, prendre l’avion plus souvent que le RER, majeur en l’air pour mes ex-patrons qui m’offensent, remettre la lumière dans ma maison d’enfance ». Sur celui-ci, la technique de rap est dynamique et fluide, il kick rapide et efficace, comme quoi, le temps n’a pas entaché sa fraîcheur.

Sur « Alléluia/1989 », c’est également un étalage de techniques sur une prod à l’ancienne mais surtout il sert ses plus belles rimes, « En Afrique je ne suis pas expat, je me donne en spectacle, extase, on a vendu du shit mais jamais d’ecta ». Sur ce titre, il mitraille surtout l’instrumental et étale savoir-faire de lyriciste. Sur « Nyama na yo » c’est parti pour une valse de rimes en lingala sur un beat nerveux, sans refrain, Youssoupha fait ça bien, on est bien servi autant au niveau du fond que de la forme. Il va finir le projet sur des leçons de vie. « Devant » est une sensibilisation du rappeur à regarder toujours devant, quand on a tout à gagner et pas grand-chose à perdre. Il a aussi connu l’échec de temps à autre mais a su garder les idées claires, « quand je perds, je regarde pas le score, rare que je frappe fort, je gratte des poèmes fragiles, qui a dit que j’étais hardcore, même quand j’ai tord je regarde les porcs qui se démènent, je voulais mourir pour mes idées mais c’était des idées de merde ». Il ne manque pas de revenir sur la question des injustices raciales, des discriminations et des inégalités à travers « Mourir ensemble », une leçon ironique de diversité. « Sur ma vie, on se ressemble, à défaut de vivre on peut mourir ensemble », il jette une pierre à la connerie humaine de perdre du temps à se rejeter et à se diviser. On oublie de vivre et de profiter de cette chance d’avoir des différences mais aussi des similitudes, un discours qui vient d’une manière décalée donner sa vision de la question discriminatoire. C’est plus un message de paix, d’amour et de diversité, en témoigne ce couplet extrait du titre « Le jour où j’ai arrêté le rap », « Je ne garde aucune rancœur, j’ai de l’amour qui déborde » ou « Je préfère mélanger les gens, j’ai trop d’identités, et je tente de mélanger les gens mais c’est pas à la mentalité d’ici, pays laïc on veut formater les modèles, on aura l’air con le jour où l’aïd tombera à Noël ».

Que retenir de « Polaroïd Experience » ? Bien que moins esthétique que « NGRTD » ou « Noir Désir », c’est un album sur lequel le Prims Parolier se lâche et ouvre son cœur, il révèle ce qu’il n’a pas encore dit à son public, ses amitiés, ses peurs, ses ennemis, son rapport avec la génération d’aujourd’hui. C’est une sortie assez varié et concis confirmant la polyvalence du rappeur qui n’est pas prêt à se faire oublier le jour où il arrêtera le rap !

 

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Jude Badombena

Un féru de la finance, qui passe ses temps libres à gratter des articles et explorer le fameux trésor caché du digital...

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1 Commentaire

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